Réduire son empreinte carbone, c'est payant
"Le fait de considérer l'engagement des entreprises dans la politique de tarification du carbone comme proactif ou conforme joue un rôle important dans la détermination des attitudes et des comportements des conso
mmateurs à l'égard des entreprises et de la politique de tarification du carbone".
Vous serez peut-être prêt à payer plus cher dans un café pour un café issu du commerce équitable et vous serez peut-être persuadé d'acheter un sac réutilisable à un prix plus élevé lorsque vous faites vos courses. En tant que consommateurs, d'autres facteurs que le prix pèsent sur nos décisions quant aux types de biens à acheter et à leur provenance. Les organisations et les agences gouvernementales qui promeuvent la politique environnementale doivent comprendre ce qui motive le comportement des consommateurs à l'égard des entreprises socialement et écologiquement responsables.
Nos dernières recherches au Decision Lab mettent en lumière la manière dont les actions des entreprises en matière de changement climatique - en particulier en réponse aux politiques de tarification du carbone - influencent l'attitude des consommateurs à l'égard de l'entreprise et l'intérêt qu'ils ont à en être les clients. Les résultats offrent également un aperçu important des effets de cadrage associés aux politiques de tarification du carbone au Canada.
Évaluer la réaction des consommateurs à la tarification du carbone
L'objectif de cette recherche était d'évaluer la manière dont les consommateurs canadiens réagissent au cadrage de l'implication de l'industrie dans la politique de tarification du carbone - un objectif inspiré par les récentes initiatives du gouvernement fédéral en matière de tarification du carbone [4]. Les cadres peuvent être considérés comme des modifications subtiles de l'énoncé ou de la présentation des problèmes de jugement et de choix [2]. Le cadrage déclenche la perception inconsciente de l'information par l'individu en fonction de la manière dont l'information est fournie - en l'occurrence, l'information sur le respect de la politique.
Lors de la conception de l'étude, nous nous sommes posé deux questions essentielles. Premièrement, comment la participation d'une entreprise à la tarification du carbone influe-t-elle sur l'évaluation des entreprises par les consommateurs ? Deuxièmement, comment la participation d'une entreprise influence-t-elle le soutien du public à la tarification du carbone de manière plus générale ?
Pour répondre à ces questions, nous avons recruté 118 Canadiens en ligne. Les participants ont été assignés au hasard à l'un des deux scénarios hypothétiques concernant l'engagement des entreprises vis-à-vis d'une taxe carbone. Les participants ont lu l'énoncé suivant : "Supposons qu'une législation nationale sur la tarification du carbone donne aux entreprises le choix de la manière dont elles contribuent à la réduction des émissions de carbone. Le participant s'est ensuite vu proposer des scénarios possibles selon lesquels une entreprise (appelée Standard Inc.) décide soit de payer une taxe proportionnelle à sa consommation de carbone, soit d'investir ce montant dans des pratiques de réduction des émissions de carbone. Nous avons appelé les entreprises qui investissent dans des activités de réduction du carbone des entreprises "proactives" et les entreprises qui se contentent de se conformer et de payer une redevance proportionnelle à leur consommation de carbone des "entreprises conformes". Les participants ont ensuite indiqué dans quelle mesure ils étaient d'accord avec une série d'affirmations concernant leur évaluation du comportement de l'entreprise et de la politique fiscale elle-même.
Qu'avons-nous trouvé ?
Notre premier résultat clé est que les consommateurs sont plus susceptibles de décrire l'entreprise proactive qui a investi dans des activités de réduction du carbone comme aidant l'environnement, ne nuisant pas à l'environnement, moralement bonne, et s'engageant dans des pratiques commerciales acceptables par rapport aux entreprises conformes qui ont simplement payé la taxe. En outre, les consommateurs ont exprimé une plus grande volonté de faire des affaires avec les entreprises proactives.
Notre deuxième résultat a des implications politiques plus larges et soutient les recherches montrant que des messages formulés différemment peuvent influencer les opinions et les attitudes du public[2]. Si le cadre impliquait que l'entreprise proactive investisse dans des activités de réduction des émissions, les participants étaient plus susceptibles de considérer la politique de tarification du carbone comme équitable, de soutenir le parti politique qui l'a mise en œuvre, de considérer que la politique aide l'environnement, qu'elle contribue à l'image du Canada et reflète les valeurs canadiennes, et qu'elle aide l'économie. L'inverse était vrai pour le cadre de l'entreprise conforme.
Que pouvons-nous apprendre de ces résultats ?
Nous proposons quelques explications et enseignements clés de nos résultats à l'intention des chefs d'entreprise et des décideurs politiques. Du point de vue des entreprises, les consommateurs ont réagi positivement aux actions des entreprises qui s'engagent de manière proactive. Il y a des avantages tangibles à ce que les entreprises réduisent activement leurs émissions de gaz à effet de serre, mais ces résultats ne se concrétiseront que si le secteur privé peut communiquer ses actions au public. D'autres recherches sur le respect de l'environnement ont montré que les entreprises qui n'alignent pas leurs actions sur le paysage éthique actuel peuvent être coûteuses [7]. En outre, selon la théorie du consommateur vert, les entreprises peuvent réagir de manière proactive à une politique qui attire les consommateurs soucieux de l'environnement, qui sont prêts à payer plus cher pour des produits verts ou à réorienter leur demande vers des entreprises respectueuses de l'environnement [1, 5].
D'un point de vue politique, lorsque l'action de l'industrie reflète l'esprit de l'objectif d'une politique (c'est-à-dire la lutte contre le changement climatique), elle légitime la valeur de la politique aux yeux du public. D'autres recherches montrent que lorsque le public a confiance dans les acteurs spécifiques engagés dans la politique environnementale, il soutient davantage cette politique. Par exemple, dans le domaine de la gestion forestière, une grande confiance dans les agences forestières, les experts et l'industrie a été positivement associée à l'acceptation des politiques de gestion forestière et des risques qu'elles impliquent [6].Cette recherche démontre que la confiance dans les agences responsables est essentielle lorsque le public n'est pas familiarisé avec les pratiques environnementales, mais en apprécie les résultats.
Ces résultats sont particulièrement pertinents pour la question complexe du changement climatique. Les membres du public ne sont pas nécessairement informés de la science qui sous-tend le changement climatique ou des mécanismes de réduction des émissions, mais ils sont néanmoins préoccupés par la question [3]. Nos résultats montrent que si le public fait confiance aux entreprises proactives, il soutiendra davantage la politique de tarification climatique. Cette relation intéresse les décideurs politiques qui élaborent et formulent des politiques visant à modifier les comportements et les attitudes au niveau de l'industrie.
Réflexions finales
Notre recherche donne un aperçu de la manière dont le soutien du public peut être encouragé pour les politiques de tarification du carbone à un moment où la politique du changement climatique est l'un des sujets politiques les plus saillants et les plus conflictuels au Canada. Nos résultats montrent clairement que les Canadiens réagissent positivement à une politique de tarification du carbone qui incite directement les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, plutôt que de simplement promouvoir le respect des taxes sur le carbone. Les consommateurs tiennent compte des signaux émis par l'industrie dans leur évaluation globale de la légitimité d'une politique donnée.
Alors que les effets du changement climatique deviennent de plus en plus évidents et que le soutien du public est de plus en plus impératif, notre étude suggère qu'un encadrement simple a un rôle important à jouer. Les gouvernements devraient s'attacher à communiquer à l'industrie les retombées positives d'un engagement proactif afin d'encourager la réduction des émissions. Nous suggérons que les futures recherches sur ce sujet examinent la relation entre les effets de cadrage et le type d'entreprise émettrice afin de déterminer si le type d'industrie joue un rôle dans les évaluations de la politique par les consommateurs.
References
[1] : Arora, Seema, et Shubhashis Gangopadhyay. 1995. "Toward a Theoretical Model of Voluntary Overcompliance". Journal of Economic Behavior & Organization 28 (3) : 289–309. https://doi.org/10.1016/0167-2681(95)00037-2.
[2] : Chong, Dennis, et James N. Druckman. 2007. "Framing Theory". Annual Review of Political Science 10 (1) : 103–26. https://doi.org/10.1146/annurev.polisci.10.072805.103054.
[3] : Dale Beugin, Brendan Frank, Glen Hodgson, Richard Lipsey, Nancy Olewiler et Chris Ragan, Ecofiscal. s.d. "Clearing the Air - How Carbon Pricing Helps Canada Fight Climate Change - by the Ecofiscal Commission". Commission écofiscale du Canada. Consulté le 1er février 2019. https://ecofiscal.ca/carbon-pricing-works/.
[4] : "Federal Carbon Price Impacts on Households in Alberta, Saskatchewan and Ontario." s.d. EnviroEconomics. Consulté le 17 janvier 2019. www.enviroeconomics.org/single-post/2018/09/21/Federal-Carbon-Price-Impacts-on-Households-in-Alberta-Saskatchewan-and-Ontario
[5] : Lin, Hsiu-Yi, et Meng-Hsiang Hsu. 2015. "L'utilisation de la théorie de la cognition sociale pour étudier le comportement du consommateur vert : Using Social Cognitive Theory to Investigate Green Consumer Behavior" (Utilisation de la théorie cognitive sociale pour étudier le comportement des consommateurs écologiques). Business Strategy and the Environment 24 (5) : 326–43. https://doi.org/10.1002/bse.1820.
[6] : Peterson, St-Laurent, Guillaume, Shannon Hagerman, Robert Kozak et George Hoberg. 2018. "Perceptions du public sur l'atténuation du changement climatique dans le secteur forestier de la Colombie-Britannique". Édité par RunGuo Zang. PLOS ONE 13 (4) : e0195999. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0195999.
[7] : Wu, JunJie. 2009. "Conformité environnementale : The Good, the Bad, and the Super Green". Journal of Environmental Management 90 (11) : 3363-81. https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2009.05.017.
About the Author
Jayden Rae
Jayden s'intéresse particulièrement à l'étude de la manière dont les politiques publiques peuvent être utilisées comme outil pour aider les individus et les organisations à prendre des décisions pour protéger l'environnement. Elle a déjà travaillé dans le domaine de la politique environnementale au ministère de l'environnement de l'Ontario. Elle est l'une des directrices fondatrices de l'organisation environnementale à but non lucratif Climatable, dont l'objectif est d'inciter les Canadiens à agir pour lutter contre le changement climatique. Jayden est titulaire d'une licence en environnement et en sciences politiques de l'Université McGill.